Quels sont les effets de lāalcool sur lāentraĆ®nement?
- Denis Fortier
- 27 nov. 2015
- 7 min de lecture

La consommation dāalcool fait partie de notre mode de vie. Elle accompagne nos repas, agrĆ©mente certaines activitĆ©s sociales, nous rend joyeux, parfois mĆŖme pompette. Bordeaux, Guiness, Sake Bomb, peu importe, notre consommation dāalcool se traduit par une moyenne de 3,3 verres par semaine et les effets sur le corps et lāesprit sont multiples.
Qui nāa pas dĆ©jĆ expĆ©rimentĆ© une diminution de son temps de rĆ©action aprĆØs quelques Mujito ou Cosmopolitanā? Ou une Ć©locution imprĆ©cise aprĆØs un dĆ®ner bien arrosĆ©ā?
Mon billet dāaujourdāhui traitera de 7 sujets que jāaborde rĆ©guliĆØrement dans mon travail de confĆ©rencier et de physiothĆ©rapeute, comme la douleur et les performances sportives. Je vous propose donc un tour dāhorizon sur les effets de lāalcool sur la santĆ©.
1. Le muscle et le coeur

La consommation modĆ©rĆ©e dāalcool nāa pas dāeffet dommageable Ć long terme sur le muscle. Toutefois, prise en grande quantitĆ© et sur une longue pĆ©riode de temps, lāalcool devient toxique et peut causer des myopathies (maladies du muscle). Dāailleurs plus de 40 % des alcooliques en souffrent, et davantage sāils ont une cirrhose du foie. Ces myopathiesāse manifestent principalement par une diminution de force et du volume des muscles squelettiques, cāest-Ć -dire ceux qui font bouger les articulations. Plus concrĆØtement, les patients qui en souffrent perdront de la force et de lāendurance et guĆ©riront moins rapidement dāune blessure aussi banale quāune entorse Ć la cheville. Certains chercheurs avancent aussi que les personnes alcooliques seraient plus fragiles aux hĆ©matomes.
Les myopathies causĆ©es par lāalcool ont Ć©galement des impacts importants sur le muscle cardiaque. La consommation excessive peut mĆŖme modifier la rĆ©gularitĆ© du rythme du cÅur ainsi que sa capacitĆ© de contraction. Notez que ces problĆØmes de santĆ© apparaissent davantage entre 40 et 60 ans et touchent autant les hommes que les femmes. Sur une note plus positive, plusieurs Ć©tudes ont dĆ©montrĆ© que la consommation modĆ©rĆ©e dāalcool peut avoir un effet bĆ©nĆ©fique sur le cÅur en protĆ©geant mieux le corps contre le risque de maladies coronariennes.

2. Les performances sportives
RĆØgle gĆ©nĆ©rale, les personnes sportives veillent attentivement Ć leur alimentation. On pourrait donc croire que leur consommation dāalcool est moins Ć©levĆ©e. Or, plusieurs Ć©tudes dĆ©montrent le contraire, particuliĆØrement chez les personnes qui pratiquent un sport dāĆ©quipe. Les physiothĆ©rapeutes interviennent frĆ©quemment auprĆØs de ces clientĆØles, qu'elles soient des athlĆØtes de haut niveau ou des personnes qui pratiquent une activitĆ© physique par pur plaisir. Or, la consommation dāalcool influence-t-elle leurs performancesā? Lāalcool a des effets multiples et complexes, tant sur les performances que la rĆ©cupĆ©ration. RĆØgle gĆ©nĆ©rale, il les influence nĆ©gativement, mĆŖme Ć des quantitĆ©s faibles. Lāalcool altĆØre notamment les rĆ©flexes, la concentration ainsi que lāendurance musculaire et cardio-respiratoire. Lāalcool diminuerait aussi les capacitĆ©s de rĆ©cupĆ©ration notamment dues Ć ses effets sur les mĆ©canismes de rĆ©hydratation et de resynthĆØse des protĆ©ines du muscle. Les sportifs ne sont pas Ć lāabri des sensations habituelles qui apparaissent lorsque le taux sanguin dāalcoolĆ©mie amorce sa descente: le mal de tĆŖte, les nausĆ©es ou les changements dāhumeur. Mais la consommation dāalcool modĆ©rĆ©e ou Ć©levĆ©e modifierait aussi lāapport sanguin Ć leurs muscles, leurs capacitĆ©s anti-inflammatoires naturelles du corps ainsi que leur rĆ©gulation hormonale, autant dāĆ©lĆ©ments indispensables aux bonnes performances et Ć la rĆ©cupĆ©ration. Toutefois, une dose infĆ©rieure Ć 0,5 gramme dāalcool pour chaque kilogramme de poids corporel aurait peu ou pas dāimpact sur les performances et la rĆ©cupĆ©ration. Et en ce qui a trait Ć l'augmentation de volume musculaire, une Ć©tude rĆ©cente a documentĆ© qu'une consommation modĆ©rĆ©e d'alcool n'altĆ©rerait la croissance du muscle secondaire Ć des exercices de rĆ©sistance.
Pour mieux vous guider dans votre réflexion sur la consommation d'alcool et la pratique d'une activité sportive, voici 5 facteurs à considérer:
La quantitƩ d'alcool consommƩe.
Le temps écoulé entre la consommation et l'activité physique, qu'elle soit prise avant ou après l'exercice.
Le temps de rƩcupƩration nƩcessaire, spƩcifique au type d'activitƩ physique.
La prƩsence ou non de blessure.
L'accoutumance aux doses ƩlevƩes.
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3. Le sommeil

Lāeffet de lāalcool est parfois contradictoire et cāest vrai en ce qui concerne ses impacts sur le sommeil, peu importe la dose, lāĆ¢ge et le sexe. La consommation dāalcool provoque lāendormissement et, du coup, il perturbe le sommeil, surtout durant la deuxiĆØme partie de la nuit. Ceci est notamment causĆ© par le fait que lāalcool inhibe une partie du systĆØme nerveux (le parasympathique) qui normalement a pour rĆ“le de ralentir lāactivitĆ© du corps. Aussi, les personnes alcooliques dorment moins longtemps que la population en gĆ©nĆ©ral, notamment parce que les doses modĆ©rĆ©es et Ć©levĆ©es dāalcool entraĆ®nent une diminution de sommeil paradoxal, soit le moment de la nuit durant lequel nous rĆŖvons. De plus, les personnes qui prennent rĆ©guliĆØrement de l'alcool seraient plus Ć risque Ć l'apnĆ©e du sommeil, du moins selon une Ć©tude publiĆ©e cette annĆ©e. En perturbant le sommeil, lāalcool a Ć©galement des impacts nĆ©gatifs sur la douleur et entraĆ®ne parfois une spirale nĆ©gative. Ć titre dāexemple, les personnes insomniaques ressentent plus frĆ©quemment de la douleur, ce qui a pour effet de les empĆŖcher de bien dormir. Dans ces conditions, lāajout de lāalcool au duo insomnie-douleur devient explosif et, Ć cet Ć©gard, une aide multidisciplinaire peut ĆŖtre alors considĆ©rĆ©e. Par ailleurs, une Ć©tude amĆ©ricaine publiĆ©e en 2012 a dĆ©montrĆ© que la promotion dāune meilleure hygiĆØne de sommeil est un Ć©lĆ©ment modĆ©rateur chez les jeunes adultes souffrant de problĆØmes liĆ©s Ć une consommation excessive dāalcool.

4. Les os
Les nouvelles semblent bonnes concernant lāalcool et ses liens avec le squelette : la densitĆ© minĆ©rale osseuse serait favorisĆ©e par une consommation modĆ©rĆ©e, soit dāun verre par jour, tant chez lāhomme que chez la femme, et diminuerait notamment le risque de fracture ostĆ©oporotique de la hanche. Les effets positifs de lāalcool sur le squelette sāavĆØrent Ć tous les Ć¢ges, que ce soit chez les jeunes hommes ou les femmes de plus de 80 ans. En contrepartie, les personnes abstinentes ainsi que celles qui prennent en moyenne plus de deux verres par jour seraient plus Ć risque de voir diminuer leur densitĆ© minĆ©rale osseuse. Il n'est pas simple de s'y retrouver quant aux effets de lāalcool sur les os puisque ceuxi-ci varient considĆ©rablement selon la quantitĆ© consommĆ©e, mais aussi, parce que des Ć©tudes rĆ©centes comme celle-ci ont dĆ©montrĆ© que la consommation d'alcool, modĆ©rĆ©e ou importante, pouvait altĆ©rer la qualitĆ© de l'ossature. Les bienfaits de l'activitĆ© physique sur la santĆ© osseuse font donc un meilleur consensus que les effets de l'alcool.
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5. La douleur chronique
Lāalcool est connu pour ses effets analgĆ©siques. 25 % des personnes qui souffrent de douleur chronique lāutilisent pour se soulager. Par exemple, cette situation semble notamment prĆ©sente chez certaines personnes souffrant de douleurs au dos chroniques et complexes. Une Ć©tude a dāailleurs rĆ©vĆ©lĆ© que le risque dāutilisation de lāalcool comme analgĆ©sique est plus Ć©levĆ© chez les hommes aux prises avec des douleurs pour qui la composante psychologique est plus marquĆ©e. Lāalcool et la douleur sont en liens directs avec les Ć©motions et les aspects affectifs de la personne, ce qui complexifie souvent le traitement. Cela dit, les problĆØmes dāalcool ne touchent quāune minoritĆ© de personnes aux prises avec des douleurs chroniques. Ć cet Ć©gard, certains spĆ©cialistes affirment que la mĆ©ditation et la relaxation sont de bonnes avenues pour mieux gĆ©rer lāaspect affectif de la douleur chronique et rĆ©duire le risque dāune association avec la consommation dāalcool pathologique. La douleur chronique et la dĆ©pendance Ć lāalcool font dāailleurs appel Ć des rĆ©gions communes du cerveau, pavant ainsi la voie Ć une hypothĆ©tique influence mutuelle.
6. La mƩdication

Lāaction combinĆ©e de lāalcool et de mĆ©dicament peut entraĆ®ner des effets indĆ©sirables et le risque est plus grand si vous prenez de fortes doses, si vous avez dĆ©jĆ des effets secondaires (mĆŖme sans alcool) et si vous ĆŖtes Ć¢gĆ© de plus de 65 ans. En vieillissant, le foie Ć©limine lāalcool moins rapidement, ce qui entraĆ®ne une certaine compĆ©tition entre la mĆ©dication et lāalcool dont les effets peuvent alors ĆŖtre prolongĆ©s ou plus intenses. Par exemple, le risque de dommage au foie est particuliĆØrement accru si vous prenez quotidiennement 8 comprimĆ©s dāacĆ©taminophĆØne de 500 mg ainsi que plus de 3 verres dāalcool. Afin de connaĆ®tre les effets combinĆ©s de lāalcool et de votre mĆ©dication, nāhĆ©sitez pas Ć consulter votre pharmacien.

7. Les blessures
Par ses effets analgĆ©siques, lāalcool peut diminuer la douleur aiguĆ«, mais il peut aussi augmenter le risque de la subir, principalement en causant un accident, une chute ou une blessure due Ć un comportement violent. Les probabilitĆ©s de vivre de telles expĆ©riences doublent aprĆØs un verre, peu importe lāĆ¢ge et le sexe. Le risque augmente encore davantage chez la femme lorsque sa consommation excĆØde trois verres. Notons aussi que la consommation dāalcool est 10 fois plus frĆ©quente chez les patients hospitalisĆ©s dans un contexte de blessures traumatiques et la sĆ©vĆ©ritĆ© de leurs symptĆ“mes est plus importante et leur hospitalisation plus longue. Le risque de blessure dĆ» Ć des comportements violents est dāailleurs plus Ć©levĆ© que ceux reliĆ©s aux accidents de la route ou aux chutes. Ć ce sujet, on sous-estime parfois le nombre de personnes qui consultent un physiothĆ©rapeute pour une blessure causĆ©e par une agression physique dont la consommation dāalcool a Ć©tĆ© un facteur dĆ©clenchant. Les motifs de consultation de ces patients et patientes sont notamment les raideurs au cou, les migraines et les fractures.
Des guides pratiques
Denis Fortier est physiothérapeute et un clinicien expérimenté, minutieux et reconnu. Il est aussi auteur et chroniqueur à la radio et à la télé. Ses plus récents livres s'intitulent:
99 faƧons de prƩvenir les effets du vieillissement (TrƩcarrƩ, QuƩbec);
Conseils d'un physio pour une meilleure posture, un livre anti-douleur (TrƩcarrƩ, QuƩbec);
Adoptez la bonne posture, tests et exercices (Marabout, France).
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